Le point de départ. The starting point.

Le véganisme est la base morale, le point de départ, du mouvement abolitionniste pour les droits des animaux. Dans ce blog je vais explorer des problèmes animaliers selon la perspective du mouvement abolitionniste naissant.

2007-04-09

Ce que le mouvement abolitionniste n'est pas

La théorie abolitionniste, avec son rejet de campagnes pour le bien-être des animaux, est parfois choquante à première vue pour les défenseurs des animaux. Ceci est normal étant donné qu’elle nous demande de mettre en question plusieurs des hypothèses concernant la défense des animaux que nous tenons pour acquis et que nous parviennent des organismes corporatifs réformistes et « néo-réformistes », c’est-à-dire de ces mêmes organismes à qui nombreux d’entre nous doivent notre intérêt initial dans la défense des animaux. Le mouvement abolitionniste n’hésite pas à critiquer sans regrets les méthodes de ces organismes, et pour cette raison, certains malentendus concernant la position abolitionniste figurent souvent parmi les réactions des sceptiques. Cette note vise à discuter quelques-unes de ces réactions.

L’abolitionnisme n’est pas « fractionnel », n’a pas l’intention de créer de la mauvaise volonté et de la rancœur parmi un groupe autrement dévoué à une même cause afin de détourner leurs énergies de cette cause commune. C’est plutôt un soulignement des différences fondamentales entre deux positions – la position consistant à dire qu’il est admissible d’utiliser comme ressources les animaux non-humains pourvu que nous suivons certaines règles concernant leur bien-être afin d’éviter de la souffrance « inutile », et la position qui consiste à dire qu’il n’est pas moralement admissible d’utiliser de manière instrumentale les êtres sensibles, peu importe la manière dont ils sont traités lors de l’exploitation – et présente un argument que nous qui adhérons à la deuxième position devraient seulement participer à et soutenir des actions qui sont compatibles avec nos objectifs. La première position, celle des organismes pour le bien-être des animaux (et des exploiteurs industriels aussi!), n’a rien à voir avec les droits des animaux et donc ne nous apporte aucune aide, si nous avons bel et bien les droits pour les animaux comme objectif.

Le but de l’abolitionnisme n’est pas d’attaquer le caractère d’autres défenseurs des animaux. Il est vrai que les motivations collectives des grandes entreprises de défense des animaux sont mises en question, puisqu’une bureaucratie a tendance à se transformer en entité intéressée avant tout à l’assurance de sa propre survie financière. Ceci n’est pas moins vrai lorsqu’il s’agit d’un organisme à but non-lucratif qui compte sur l’attraction du grand public pour ses dons. Le fait de critiquer le modèle organisationnel d'entreprise, et les tactiques réformistes sur lequel il repose pour retenir son support public, n’équivaut toutefois pas à insulter le caractère des individus impliqués ou qui soutiennent ces organismes. Il ne s'agit pas de nier que les défenseurs des animaux impliqués travaillent infatigablement pour les animaux et ont les meilleures intentions. Ce que le mouvement abolitionniste vise à faire c’est d’exposer les défauts implicites des campagnes réformistes pour le bien-être afin de convaincre les défenseurs des animaux du besoin de rejeter telles campagnes et les organismes et structures organisationnelles qui s’accrochent à ces campagnes, du besoin de rejeter l’usage de moyens inefficaces et basés sur des prémisses sous-jacentes qui nient à nos objectifs. Le fait que la position abolitionniste soit souvent affirmée avec assurance, de manière énergique, passionnée, et illustrée à l’aide d’exemples particuliers tirés des mouvements réformistes, ne doit pas être traité « d'attaques personnelles » et surtout n'est pas une raison de rejeter par réaction la théorie abolitionniste. Il faut évaluer les arguments selon leurs propres mérites, indépendamment de son opinion personnelle du style de discussion de Gary Francione ou de tout autre partisan de la position abolitionniste.

La position abolitionniste n’est pas élitiste ou une sorte de quête pour la pureté personnelle. Il est impossible d’être 100% végan dans notre société, et postuler qu’il faut que le véganisme soit la base morale d’un mouvement pour les droits des animaux ne veut pas dire s’embourber avec des questions comme des produits animaux ayant été utilisé lors de la production des pneus. Ça veut dire reconnaître que nous ne pouvons respecter les droits de quelqu’un tout en lui enlevant son bébé pour lui prendre son lait, en portant des morceaux de sa peau sur nos pieds, en payant quelqu’un qui la garde captive pour qu’on puisse avoir la chance d’aller y jeter un coup d’œil de temps en temps, en l'utilisant instrumentalement d'une façon ou d'une autre. Ça veut dire reconnaître que le soutien financier ou culturel de l’exploitation ne peut être justifié à partir d’une perspective de « droits », et s’engager à changer nos habitudes par conséquent. Le véganisme peut avoir l’air intimidant au début, mais quand on est motivé à réellement respecter les droits des non-humains, ça devient une seconde nature après une période initiale d’ajustement. Ceux qui prétendent que le véganisme est élitiste pensent souvent que c’est quelque chose de difficile qui « n’est juste pas pour tout le monde ». Au contraire, le mouvement abolitionniste vise à montrer que oui, le véganisme est pour tout le monde, qu’il ne faut pas être « spécial » d’une façon ou d’une autre afin de devenir vegan, et que n’importe quelle situation qui pourrait présenter un obstacle réel au véganisme pour certaines personnes dans notre société (telle le problème des « déserts alimentaires » dans certains quartiers urbains américains pauvres, où les seuls aliments accessibles à ceux sans véhicule sont de la malbouffe hyper-transformée) est en réalité un symptôme d’une autre forme d’oppression comme le racisme ou le « classisme » (discrimination basée sur le système de classes sociales). La position abolitionniste est contre toute oppression.

L’abolitionnisme n’est pas une proposition tout-ou-rien, condamné à accomplir « rien » en demandant « tout » en même temps. La théorie abolitionniste est en accord avec des changements par étapes et nous fournit suffisamment de direction en ce qui concerne l’organisation d’actions (par exemple Gary Francione discute ce sujet dans son blog ainsi qu'ici). Les étapes les plus importantes qu’il faut que nous poursuivions en ce moment sont celles comme l’éducation végane et l’éducation des défenseurs des animaux, qui ont comme résultat l’augmentation du nombre de vegans abolitionnistes. Certains trouvent peut-être que cette approche est lente et avec peu de récompenses tangibles, mais son importance ne peut être surestimée. Avant que nous puissions effectuer d’autres changements reflétant notre changement de paradigme, il est nécessaire d’aider d’autres gens à adopter ce même changement. On ne peut atteindre les droits pour les animaux non-humains pendant que 99,9% de l’humanité les considère comme des biens marchands et des ressources naturelles.

Ceci ne veut pas dire que nous fermons les yeux sur la souffrance des animaux en train d’être exploités aujourd’hui. Le fait de convaincre d’autres humains de la nécessité morale du véganisme diminue la demande immédiate pour les « produits » animaux en plus de préparer le terrain pour une transformation des attitudes sociétales. Nous ne pouvons pas laisser dire que l’utilisation instrumentale des animaux est une bonne chose pourvu que c’est fait de manière « humaine », ce qui est effectivement ce que nous faisons quand nous poursuivons des campagnes de réforme : elles acceptent implicitement ce principe. Il faut que nous dénoncions activement cette croyance en exposant la racine du problème humain-nonhumain. Faire autrement, c'est-à-dire mener des campagnes de réforme de bien-être, est de mener des campagnes qui négligent la valeur inhérente et le droit de ne pas être une propriété de ces animaux qui souffrent aujourd’hui.

Plusieurs d’entre nous qui faisons la promotion de l’abolitionnisme avons soutenu ou même avons initié des campagnes « néo-réformistes » autrefois, tout comme la plupart des végans n’étaient pas végans autrefois. En devenant végan nous avons dû remettre en question nos idées et notre conditionnement avant de rejeter de notre vie l’exploitation des animaux. Le processus de transition d’une philosophie « néo-réformiste » à une philosophie abolitionniste est similaire – il faut une ouverture d’esprit afin de considérer un nouveau point de vue et de permettre la possibilité d’admettre à soi-même que nos anciennes méthodes et nos valeurs et objectifs n’étaient pas cohérents. Ceci peut s’avérer difficile lorsque nous sommes impliqués de façon active dans le type de campagnes et de sensibilisation qui est critiqué – mais une approche cohérente qui respecte les droits des animaux et qui est basée sur un raisonnement théorique solide, et donc qui mène à des campagnes plus efficaces, vaut la peine de cette période de questionnement et d’inconfort personnel. N’ayons pas peur de mettre en question ce que nous sommes conditionnés à prendre pour acquis, à réfléchir profondément, et à s’améliorer et se transformer en tant qu’activistes afin d’aligner nos actions et nos objectifs.

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